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Le mot qui fâche

Actualités News

Le mot qui fâche

Philippe Duhamel

2020-06-08 Le mot qui fâche | LeDevoir pA4.png

TENSIONS RACIALES

Des histoires du quotidien

Dans la foulée de la tragédie qui secoue les États-Unis et de l’importante réflexion qu’elle a engendrée de ce côté-ci de la frontière, Le Devoir a demandé à des personnes issues de la commu- nauté noire — connues ou pas connues du public — de nommer ce qu’elles vivent en décrivant un événement raciste survenu dans leur vie. Des témoignages qui nous permettent de mieux comprendre, collectivement, ce qu’est le racisme. Propos recueillis par Magdaline Boutros.

Michaëlle Jean
Gouverneure générale du Canada (2005-2010) 
Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (2014-2018)

De tous les fléaux, le plus dévastateur et le plus récurrent est le racisme. Cette infamie a été largement propulsée par l’idéologie de la suprématie de la « race blanche » forgée au feu et au marteau des conquêtes coloniales dont le monde a subi les affres. Le colonialisme s’est abreuvé, des siècles durant, de la pratique odieuse de l’esclavage massif des peu- ples conquis, Noirs et Autochtones, infériorisés, dépossédés de leur humanité et de leur liberté, réduits à l’état de bêtes de somme.

De cette histoire de totale déshumanisation, l’humanité ne s’en sort pas indemne. Le racisme continue de faire rage dans nos sociétés et de manière « systémique ». Ah ! Le mot qui fâche. De quoi s’agit-il ? De ces comportements, préjugés et propos humiliants, harcèlements et profilages ethniques indus, insinuations et déconsidérations déran- geantes, processus décisionnels, administratifs et sélectifs qui marginalisent des pans de population du fait de leurs origines ethniques ou de la couleur de leur peau. Le combat incessant.

Le racisme n’est jamais anodin ou inoffensif, il est toujours le relent d’une histoire qui étouffe nos sociétés, comme ce genou appuyé avec une cruelle insistance sur la nuque de George Floyd lors d’une intervention policière violente et brutale à Minneapolis aux États-Unis. La scène a été filmée, le monde a vu le geste assassin, qui vient s’ajouter à d’in- nombrables meurtres racistes.

« C’est le dernier d’une longue série de meurtres d’Afro- Américains non armés commis par des policiers américains et des auto-justiciers », a fermement déclaré la haute-com- missaire aux droits de la personne de l’ONU, mon amie Michelle Bachelet. Mais l’affaire n’est pas qu’américaine, le racisme sournois est un monstre rampant, à plusieurs têtes, lové dans toutes nos sociétés, qui perpétue l’héritage de la haine.

« Le racisme est réel, il est présent aux États-Unis, mais aussi au Canada », a déclaré le premier ministre Justin Tru- deau. Pour en attester, ils sont des milliers, en majorité des jeunes, toutes origines et couleurs confondues, à avoir mani- festé ces derniers jours dans combien de villes au Canada en scandant « Black Lives Matter ! La vie des Noirs aussi comp- te ! All Lives Matter ! Toutes les vies comptent ! » et en re- prenant les derniers mots de George Floyd « I can’t breathe ! J’étouffe ! » L’air est en effet vicié par la haine de l’autre.

Au Sommet pancanadien des communautés noires, orga- nisé par la Fondation Michaëlle Jean, qui en est depuis 2017 à sa troisième édition, plusieurs centaines de participantes et participants viennent chaque fois débattre de l’impact dévastateur du racisme sur leur vie, leur santé physique et mentale, leur sécurité, leur présent et leur avenir, mais surtout pour formuler et réclamer un plan d’action national visant l’éradication de la discrimination raciale systémique partout au Canada. Placé sous les auspices de la « Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine : reconnaissance, justice et développement (2015- 2024) » proclamée par l’ONU, le Sommet pancanadien des communautés noires est une mobilisation considérable qui rappelle combien l’exclusion ne produit qu’un énorme fos- sé, un profond déficit de participation, de confiance, de croissance économique, d’idées, de perspectives, de justice et de démocratie.

Les faits sont criants. Combien d’études, d’enquêtes, de revendications et de témoignages ! La pandémie de la COVID-19 et ses dommages collatéraux ne mettent-ils pas aussi en relief ces inégalités ? Nous sommes collective- ment comptables du désastre. Comme pour la situation dans les CHSLD, l’heure est venue de sortir de tous nos aveuglements.

Source : LeDevoir, édition du 4 juin 2020.